La ferme St Martin à Annet. (visite de la SHCE en 1997)

Nous sommes en juin 1705. Pasquier GUYOT « cy devant fermier de la ferme St Martin à Annet-sur-Marne » l’a quittée. Où est-il allé ?

Aujourd’hui nul ne sait et l’histoire locale n’aurait gardé aucune trace de ce départ si Pasquier Guyot n’était parti en oubliant ( ?) de payer ses impôts sur la récolte de 1704 (il s’agit de la taille).

Partir sans payer ! L’abbé de LYONNE seigneur d’Annet, ne l’entend pas de cette oreille. Une mise sous séquestre de la récolte de Pasquier GUYOT a été ordonnée sous la surveillance de François JUZERAT et de MAHON certainement Annetais eux-mêmes.

La « cour des aydes » (tribunal parisien chargé de juger les affaires relatives aux impôts) a été saisie. Elle a rendu, le 17 juin de cette année 1705, un arrêt enjoignant aux collecteurs des tailles de la paroisse d’Annet (celui de 1704, Philippe de SERRY et de 1705, Jean MORICE), de faire procéder avec l’aide de Pierre DESPOST, laboureur à Claye désigné comme arbitre, à l’estimation de la saisie.

Les choses semblent traîner, mais enfin, après plusieurs rappels, rendez-vous est pris pour le 28 juin 1705 chez le sieur  LONGUET, procureur fiscal à Annet. Tout le monde est là : l’abbé de VILLIERS représentant l’abbé de Lyonne, François Juzerat, les collecteurs et même Christophe Anné de LORME, laboureur à Charmentray, appelé en renfort. Il est vrai qu’une sommation a été remise « à leurs personnes et domiciles » par de la SALLE, sergent du baillage d’Annet.

Tout le monde ? Sauf Pierre DESPOST qui n’est pas venu. Il a fait savoir « qu’il ne voulait et ne pouvait procéder à la dite estimation, attendu de l’impossibilité qu’il y avait d’estimer choses qui n’estaient point sur terre ny dans les granges et qu’il n’avait point veues ».

Que s’est-il passé ? Y-at-il eu réellement saisie de tout ou partie de la récolte de Pasquier GUYOT ? Les JUZERAT, de SERRY, MORICE, LONGUET…, certainement tous paysans à Annet n’essaient-ils pas de rouler leur seigneur ? Toujours est-il que Jean Morice, peut-être las d’attendre, se fâche, quitte la maison de Longuet entraînant avec lui son collègue de Serry auquel il dit « hautement et intelligiblement » : « Viença, sors de la dedans, qu’ils aillent se faire foutre eux et leurs écritures ».

Signatures dans le compte-rendu de 1705

Que faire ? Il ne reste plus à l’abbé de Villiers et à Juzerat qu’à aller trouver MAUPETIT, greffier tabellion à Claye afin qu’il rédige un compte-rendu de leur aventure (c’est d’ailleurs grâce à ce compte-rendu qui a été conservé que nous avons aujourd’hui connaissance de ces faits).

MORALITÉ !

Quelle mauvaise foi ! Quel vocabulaire ! Quelle époque ! L’honnêteté, les valeurs morales sont bafouées, la grossièreté règne, où allons-nous ? Et encore nous ne savons pas tout car Morice a ajouté « quelquautres parolles qui n’auraient point estez entendues ».

Nous avons bien du mérite avec de tels ancêtres, nous qui aujourd’hui payons régulièrement, avec la sourire, nos impôts et n’oserions plus utiliser un tel vocabulaire envers qui que ce soit !

Texte recueilli et commenté par Jean CRAPART (La barbe blanche à gauche sur la photo). (CLIO 1993)