La force dégagée par la vapeur d’eau était connue depuis l’Antiquité. Ce n’est qu’après la découverte faite par Denis PAPIN, à la fin du XVIIème siècle, que le l’idée d’une machine actionnée par la vapeur pouvait se concevoir. Il avait mis en évidence le principe du piston qui s’élève grâce à l’énergie thermique dégagée par la vapeur de l’eau portée à ébullition.
Il fallut encore attendre plus d’un siècle pour mettre au point une telle machine et encore bien des années pour en réaliser une utilisation pratique.
Ce fut fait au XIXème siècle, l’industrialisation progressant dans tous les domaines. L’agriculture, qui était encore au début de ce siècle la première composante économique, ne pouvait rester à l’écart d’une telle évolution.
Tout naturellement, c’était pour le labour et le battage, les travaux les plus rudes, que l’on a cherché à remplacer la force animale ou humaine et améliorer le rendement par l’emploi de la machine à l’énergie nouvelle.
On a tout d’abord pensé à un tracteur à vapeur sur lequel serait fixé une charrue, tel que présenté sur une caricature de l’époque. Le dandy, négligemment coiffé d’un chapeau de paille, fumant, lisant, buvant tout en conduisant un petit engin de fantaisie n’a évidemment rien d’un agriculteur en plein effort, même sur un tracteur. Si, comme toute caricature, ce dessin est désinvolte par rapport à la réalité, il montre à quel point, déjà, on envisageait que la machine remplacerait l’effort de l’homme.
Les expériences pratiques concernant ce type de charrue à vapeur furent abandonnées. On s’aperçu très vite qu’un tel engin, véritable locomotive, cependant très puissant était beaucoup trop lourd, pesant jusqu’à 25 tonnes, et trop peu maniable pour progresser efficacement dans un labour.
Pour pallier à cette difficulté, l’ingénieur anglais FOWLER a l’idée de faire labourer par une charrue, beaucoup plus légère, tractée au moyen d’un câble par une machine à vapeur qui n’effectuerait qu’un faible déplacement à chaque sillon.
Ce système se compose :

  • d’une charrue basculante qui peut faire un aller et retour simplement en basculant et non en étant retournée comme un brabant. Elle se dirige avec un double volant, selon le sens de la marche.
  • d’une machine à vapeur qui assure la traction de la charrue par un câble
  • et un véhicule poulie, à l’autre bout du champ

Le fonctionnement est le suivant :
La charrue est tirée par la locomobile (machine à vapeur sur roue) qui est munie sous la chaudière d’une poulie sur laquelle s’enroule le câble de traction Celui-ci fait va-et-vient avec une autre poulie située à l’autre bout du champs sur un véhicule spécifique. De ce fait la charrue peut faire un aller et retour.

Quand la charrue est tirée vers la locomobile, le véhicule poulie avance de lui-même d’une largeur égale à celle d’un sillon. Au retour, lorsque la charrue revient vers le véhicule poulie, la locomobile avance seule du même espace de terrain labouré.
En fortes terres on labourait ainsi 2ha2a. par jour de dix heures.

Un nouveau mode de labour

Le Vicomte de BAULNY, habitant le château de Villeroy innovait en 1857. Pour la première fois en France, il faisait venir d’Angleterre une de ces premières charrues Fowler qu’il utilisa dans ses terres de Charny et de Villeroy. Plus tard, il l’a présentée à l’empereur Napoléon III dans la plaine de Vincennes où ce dernier avait fait établir une ferme modèle en même temps qu’il créait le Bois de Vincennes.

Une nouvelle structure de gestion

Dans une revue britannique de 1835 il était écrit : « Plusieurs sociétés savantes d’Ecosse se sont réunies pour offrir un prix considérable à celui qui parviendra à exécuter une bonne charrue à vapeur. Mais ne vaudrait il pas mieux offrir le prix non à un mécanicien qui aurait inventé la meilleure charrue à vapeur, mais à la première compagnie d’actionnaires qui ferait construire de charrues à vapeur et les louerait aux cultivateurs du voisinage ? »
C’est en suivant cette remarque, qu’ils ne connaissaient sans doute pas, qu’un certains nombre d’agriculteurs, quarante trois ans plus tard, faisaient revenir le labourage à vapeur à Charny et lleroy. Le 22 août 1913, suivant acte reçu par Me NOEL, notaire à Annet-sur-Marne, étaient établis les statuts d’une Société anonyme de Labourage à vapeur de la Région de Meaux. C’étaient essentiellement des agriculteurs de Charny, Villeroy, Trilbardou, Plessis-aux-Bois qui la constituèrent.

Ce n’était plus les mêmes instruments que ceux utilisés par de BAULNY, mais le principe était le même, à une différence toutefois. Pour augmenter la puissance, le véhicule poulie, inerte, a été remplacé par une deuxième locomobile qui tirait la charrue alternativement avec la première. Ces deux locomobiles suivaient l’avancée du labour en se déplaçant, peu à peu, l’une après l’autre à chacun des deux bords du champ.
En 1929 les associés, constataient que, quoiqu’ayant constitué une société commerciale, cette dernière ne faisait pas de bénéfice et que l’usage du matériel étaient réservé à ses seuls membres. Dans ces conditions elle s’est transformée le 8 janvier 1929 en Société coopérative agricole de labourage à vapeur de la Région de Meaux.

Il est stipulé dans son objet que l’exploitation du matériel est réservée à l’usage exclusif des membres de la société, sans faire de bénéfice.
Par ce montage juridique, on devançait, bien avant son temps, la loi spécifique sur les coopératives d’utilisation de matériels agricoles, promulguée seulement le 12 octobre 1945.
Cette utilisation fut planifiée à la fin de la guerre, pour développer l’aide apportée par l’Amérique à la France, connue sous le nom de Plan Marshall. Ces coopératives, dites CUMA (coopératives d’utilisation de matériel agricole), connaissent une extension de plus en plus florissante devant le coût très onéreux d’un matériel de plus en plus puissant.
Ainsi la région a été à la pointe de la mécanisation agricole et, aussi, de son usage coopératif, montage juridique devenu maintenant courant.

Sources : Archives notariales d’Annet-sur-Marne

rédacteur : P. Dubreuil