A Villevaudé, une fouille de l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) a permis la restitution de la batterie 308 du camp retranché de Paris.

Tranchée principale et plateforme de tir (Photo E.Bergot, INRAP)

 

Avant de creuser une carrière à ciel ouvert sur le plateau de Villevaudé, lieu-dit « Les Mazarins » sur la plaine du bois Gratuel par la Société Placoplâtre-Saint-Gobain, les archéologues ont examiné le terrain.

 

 

D’après le journal « La Marne » de juin 2020 : « Pour éviter que les curieux ne viennent gêner les fouilles, les archéologues révèlent leurs découvertes seulement quand tout est fini. C’est ce qui s’est passé à Villevaudé. Un ancien camp retranché français de la Première Guerre mondiale a été identifié en 2015 et fouillé en 2017. Le rapport a été rendu en janvier 2020, avec de nombreuses photos, croquis, etc. »

 

Villevaudé dans le Camp retranché de Paris :

Avant 1914

Dès l’après-guerre de 1870, le camp retranché de Paris s’est organisé  en créant une nouvelle ceinture de protection plus éloignée de Paris. En 1876, date de construction du fort de Vaujours en partie sur le territoire de Courtry, le ministre de la guerre veut joindre à ce fort un chemin stratégique qui relie Courtry à Carnetin en passant par Villevaudé. Pour cela, le service militaire décide que « l’acquisition de parcelles sur le territoire de Villevaudé est d’utilité publique » pour les travaux de défense de Paris et indemnise la quarantaine de propriétaires expulsés.

Ces réquisitions touchent une partie des différents lieux-dits sur le territoire de Villevaudé (de 1 à 12 sur la carte) :

La mare Marette et la mare Chaumel (1) ; la plaine du bois Gratuel (2) ; la Tuilerie (3) ; le Frais Cul (4) ; Près de la Mare aux Veaux (5) ; Derrière le bois de Montjay (6) ; l’Etang sec ( 7) ; la mare Rogery (8) ; le bois de Grivet (9) ; le bois de Montjay (10) ; la mare Baunay (11) ; les vignes des Houldeberts (12).

 

Pendant la guerre

Des tranchées, des batteries, des barbelés et même des chemins de fer (chemins de fer à voie étroite comme ceux utilisés par les carriers) sont installés sur le territoire de Villevaudé, Montjay et Bordeaux par les territoriaux en 1914 et 1915. Nous en avons trace dans les réclamations des dommages de guerre et dans les délibérations du Conseil municipal.

En 1915, le maire  souhaite l’intervention du préfet pour éviter le détournement de la source de Grivet ( dans la rue du Lavoir à Villevaudé) par des travaux militaires : « Considérant que la source de Grivet, alimentant la commune de Villevaudé tend à disparaître par suite de la construction d’une voie ferrée souterraine desservant une batterie du 4ème régiment d’artillerie lourde, le conseil de Villevaudé demande que des mesures soient prises d’urgence pour conserver cette source indispensable aux habitants et qui fournit la seule eau potable du pays ».

De 1916 à 1920 Antoine Goix, vigneron à Villevaudé, remplit des déclarations de dommages  « causés par les armées françaises » afin d’être indemnisé des pertes qu’il a subies. Ses arbres fruitiers ont été arrachés (pruniers et pommiers), sans récupérer le bois, dans les « Vignes de Grivet ». Dans ces pièces de terres, il y a eu aussi défonçage du terrain pour mettre une batterie et une voie ferrée ainsi qu’au « mur du Parc aux Epinières » et au «Pavé à la gare de Bordeaux». (Le sieur Goix déclare 3280 francs de frais, il ne sera remboursé en 1920 que de 300 francs après plusieurs réclamations).

De même M.Letellier Georges, fabricant de plâtre à Claye estime à une valeur de 11480 francs, les arbres coupés dans les bois de Grivet, de Montjay et bois du Vivier. Il abandonne sa réclamation en 1920.

Carte de 1914 (23N16 Archives Vincennes)

 

carte de 1915 (Archives Vincennes 23N72)

 

 

 

Villevaudé avait sur sa commune les batteries 307 et 308 et était entouré des batteries d’Annet et de Carnetin. Toutes reliées par des voies à 0,60m, au fort de Vaujours.

 

Gare de Bordeaux-Pomponnette

 

 

Sur cette photo on peut voir les voies de 60 servant au ravitaillement des munitions pour les batteries.

 

10ème régiment d’artillerie devant la gare

 

 

Carte-photo envoyée, en 1915, par le Maréchal des Logis Edmond Farnoux du 10ème  régiment d’artillerie : « Photo prise lorsque j’occupais la gare de Bordeaux (Seine et Marne) comme chef de détachements. »

 

Les tranchées sont reliées par des boyaux, elles ne sont pas droites mais en zigzag pour éviter les tirs d’artillerie en enfilade. Des abris bétonnés pour l’infanterie sont créés, on enterre aussi des batteries de 155.

Les batteries sont des plus sommaires, ce sont des positions en terre  qui sont équipées de niches à munitions placées au bout de la voie de desserte en voie de 60.

Carte envoyée le 11 mars 1915

« Voici la porte de notre demeure improvisée »

 

 

 

 

 

 

 

Le rapport de l’INRAP décrit le site de la batterie 308 : « Sur une partie de l’emprise, les vestiges s’inscrivent principalement sur un axe Sud-est/Nord-Ouest, selon un linéaire ordonné par deux tranchées dont la principale dessert un ensemble de structures en creux, de plan rectangulaire, résolument tournées vers le Nord-est… La tranchée principale, constitue la « colonne vertébrale » du dispositif d’artillerie. Il s’agit d’une tranchée planchéiée longue de 170 m environ, d’une profondeur moyenne d’1,40 m, d’une largeur de 0,80 à 1 m, qui assure la connexion entre les différentes entités du système défensif…

Des abris, destinés aux servants des pièces d’artillerie, n’ont été que partiellement démontés. Ils étaient probablement couverts, comme tendrait à l’indiquer la présence de plaques de tôles en position secondaire, mais dont les charpentes et les parois ont été récupérées… » (Plus d’informations sur le site de L’INRAP- Batterie 308)

Banquette de tir/observation (Photo E.Bergot, INRAP)

 

bouton d’uniforme d’artillerie

 

 

Lors des recherches, l’archéologue M.BERGOT, responsable des fouilles, a trouvé quelques petits objets : un bouton de manteau, des douilles de carabine dits « étuis », une boîte de conserve et un flacon qui contenait un produit pour nettoyer des objets en cuivre.

 

 

Sur place, il ne reste plus rien de la « batterie 308 ». En fait, l’objectif était de noter tout ce qui pouvait se trouver sur le lieu avant qu’il soit détruit. L’endroit est devenu depuis, une carrière de gypse (minéral utilisé pour fabriquer du BA13, un matériau utilisé dans le bâtiment) ».

Photo MM  (septembre 2018)

 

Le site est déjà bien creusé en 2018 comme on peut le voir sur cette photo prise lors d’une journée « portes ouvertes des carrières de Villevaudé et de Villeparisis et de l’usine de Vaujours » en septembre 2018.

 

 

 

Sources :

-Archives communales

-Archives départementales 77 (10R433)

-Archives militaires Vincennes ( Plans 23N 16, 18,68 à 72)

-Site de l’INRAP

Monique MAZOYER