En 1754, Philippe-Antoine MACQUER, marchand et bourgeois de Paris, achète à Gressy, en Seine- et- Marne, le domaine de « la Fontaine » devenu depuis Clairefontaine. La maison de Gressy devient la maison familiale de vacances pour tous les Macquer, frères et cousins. En 1782, Pierre-Joseph, l’aîné de toute la famille, est l’unique héritier et Gressy lui revient en toute propriété.
Pierre – Joseph MACQUER, est né à Paris, le 9 Octobre 1718, de Joseph Macquer et de Marie-Anne Callet. Il tirait son origine d’une famille noble d’Écosse, qui avait sacrifié ses biens et sa patrie à son attachement pour la religion romaine. Son goût pour les sciences physiques et la chimie en particulier l’amène à faire des études de médecine. Il obtient le titre de Docteur en 1742, puis en 1745, il entre à l’Académie royale des Sciences comme adjoint-chimiste. Il avait 27 ans.
Docteur-régent en 1751, il enseigne la pharmacie à la Faculté de médecine de Paris. En 1757, il s’associe avec Antoine BAUMÉ, apothicaire et chimiste parisien, pour ouvrir un cours privé de chimie et de pharmacie, rue St Denis, face à l’église Saint Leu. Cette collaboration pédagogique dura seize années.
Entre 1749 et 1752, ses recherches sur les teintures à la Manufacture Royale des Gobelins, portent sur le Bleu de Prusse (qui l’amènent à découvrir le ferrocyanure de potassium) et la Cochenille. C’est lors de multiples essais effectués sur le mordançage de la soie que Macquer est suspecté de pratiquer la vivisection par les habitants de Gressy ; les eaux de la Beuvronne ayant été intensément rougies par les solutions de cochenille et les eaux de lavage après teinture.
Ses études sur le bleu de Prusse, le font remarquer par Jean Hellot (1685-1766) qui le choisit pour le seconder à la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres étant trop âgé pour assurer en même temps le développement de la pâte de porcelaine tendre et la recherche du secret de fabrication d’une porcelaine dure identique à celle de Chine ou du Japon. Cette dernière mission est confiée à Macquer qui fut aidé par la découverte d’un gisement très important de KAOLIN très pur, à ST Yrieix près de Limoges. C’est par l’intermédiaire de l’archevêque de Bordeaux, Monseigneur de Lusan, que Macquer reçoit des échantillons de cette poudre blanche découverte par le chirurgien Darnet et le pharmacien Villaris. Macquer contrôle aussitôt sa valeur pour la porcelaine. Il constate l’abondance du gisement lors du voyage qu’il fait à St Yrieix d’août à novembre 1768 avec Robert Millot, chercheur de la Manufacture. Tout de suite la fabrication de la porcelaine dure est établie à Sèvres.
Des porcelaines dures seront vendues à Sèvres deux ans plus tard, comme ce Service à café Litron, qui illustre tant le goût pour les chinoiseries que pour les dorures dont l’application est désormais facilitée grâce à la pâte dure.
À la mort de Jean Hellot, en 1766, Pierre – Joseph MACQUER lui succède comme commissaire des teintures au Bureau du commerce.
Il a été nommé censeur royal en 1750 et devient l’un des rédacteurs scientifiques et médicaux du « Journal des sçavans » en 1768. Il fait partie des membres fondateurs de la Société royale de médecine en 1776.
A partir de 1771, à la demande de Buffon, Macquer remplace Bourdelin malade, dans son cours au Jardin du Roy (Jardin des Plantes) et devient titulaire de la chaire de chimie en 1777, à la mort de ce dernier. Macquer a été un remarquable professeur, exposant les faits avec clarté et précision.
D’autres recherches sont attribuées à Macquer : découverte des arséniates (le «sel de Macquer», arséniate neutre de potassium) ; mise en évidence des propriétés de la «terre d’alun» ; travaux sur la magnésie, le gypse, l’étain, le platine (grâce à et avec Baumé), le phosphore, etc. ; expériences sur le diamant et sur la formation de l’eau lors de la combustion de l’hydrogène, dont l’interprétation lui échappa. Découverte d’un moyen de dissoudre le caoutchouc sans l’altérer …
Aux qualités de Professeur et de chercheur, il convient d’ajouter celle d’écrivain scientifique. Ses ouvrages ont été longtemps des textes de référence, son «Dictionnaire de la chymie» est notamment le premier ouvrage à reprendre les notions chimiques par ordre alphabétique.
En comparant la première édition du Dictionnaire qui pour Berthollet était le meilleur ouvrage que l’on ait écrit sur la chimie, on constate que Macquer a toujours été fidèle à la chimie du phlogistique de Stahl*.
Néanmoins comme le soulignait Berthollet, il sentait qu’une chimie nouvelle se développait d’où l’incertitude qui se fait sentir sur beaucoup de points dès la seconde édition du Dictionnaire. Toutefois il ne s’est pas rallié pour autant aux théories de Lavoisier qu’il ne trouvait pas assez confirmées et par la suite a été sévèrement et injustement jugé par certains.
* La théorie du phlogistique est une théorie chimique qui expliquait la combustion en postulant l’existence d’un « élément-flamme », fluide nommé « phlogiston », présent au sein des corps combustibles. Elle a été conçue par J.J. Becher à la fin du XVIIème siècle, et développée par Georg Ernst Stahl. Cette théorie a été réfutée par la découverte du rôle de l’oxygène de l’air dans le processus de combustion, mis en évidence par Lavoisier au XVIIIème siècle, et a été supplantée par la théorie du calorique.
Macquer souffrait depuis longtemps de migraines répétées, de défaillances cardiaques et de palpitations. Il décède le 15 février 1784. Sa dernière volonté a été que l’on « ouvre son corps pour l’avancement de la science ». A l’autopsie on découvre une « ossification de l’aorte et des concrétions pierreuses dans les cavités du cœur ». On dirait aujourd’hui que Macquer était athérosclérosé et hypertendu artériel et qu’il a succombé à un accident cardio-vasculaire.
La mort de Macquer ouvre plusieurs successions, entre autres, à l’Académie des Sciences, au Jardin du Roi, à la Manufacture royale de Sèvres, à la Manufacture royale des Gobelins.
A l’Académie des Sciences, c’est Quatremère d’Isjonval qui est élu contre Duhamel et Fourcroy. Au Jardin du Roi, Buffon préfère Fourcroy, excellent professeur, à Berthollet, mauvais pédagogue. A la Manufacture royale des Gobelins, par contre, c’est Berthollet qui est élu contre Fourcroy, Baume, Pilâtre de Rozier. A la Manufacture de Sèvres, Fourcroy est candidat au poste de «Commissaire de l’Académie des Sciences à la Manufacture» ; Macquer y est remplacé par Cadet de Gassicourt et Desmarets. Fourcroy sera élu à l’Académie des Sciences le 12 mai 1785.
C’est à Gressy, où il séjournait la moitié de l’année, qu’il conçoit et rédige la plupart de ses ouvrages et écrits scientifiques aidé par son frère Philippe Macquer, avocat et historien. Dans le domaine de Clairefontaine Pierre Joseph Macquer a reçu de nombreuses personnalités scientifiques comme Baumé, Cadet, Lavoisier, Tillet et Pilâtre de Rozier.
Ce domaine de Clairefontaine, Raymond Selleret (1913-1992), pharmacien et ancien président de la Société d’Histoire de Claye et ses Environs, l’a acheté en 1961, dans un coup de cœur prémonitoire, sans connaître son Histoire, alors qu’il était en piteux état ; il l’a restauré, a fait des recherches , y a installé un «musée Macquer» et l’a ouvert à de nombreux visiteurs, en particulier lors de la «Journée internationale Macquer» qu’il organisait avec son et lumière chaque année depuis 1974.
Éloge de M. Macquer, dans Histoire de l’Académie royale des sciences – Année 1784, Imprimerie royale, Paris, 1786, p. 20-30. – Nicolas de Condorcet-
« M. Macquer est le premier qui ait donné des éléments de chimie où l’on trouve la même clarté, la même méthode qui régnaient déjà dans les autres branches de la physique. Avant lui, on regardait la chimie comme une science isolée, embarrassée, obscure remplie d’opérations Secrètes, de recettes énigmatiques presque comme une occupation dangereuse où l’on risquait de compromettre sa santé, sa fortune & même sa raison ; elle parut dans les ouvrages de M. Macquer une science simple, fondée sur les faits, procédant par des opérations dont une sage méthode prescrivait tous les détails, utile à tous les besoins de la vie humaine & liée au système général de nos connaissances. Ainsi, ses éléments contribuèrent à répandre le goût de la chimie, en montrant combien il était facile de l’apprendre… »
SOURCES :
-Raymond SELLERET : « Si Gressy-en-France m’était conté… » Gressy-en-France, Les Amis de Macquer. 1989.
-Histoire de l’Académie royales des Sciences. Année 1784. BNF-Gallica.
-Dictionnaire de Chymie de Macquer (site internet)
-Revue d’Histoire de la Pharmacie. : Macquer (1718-1784), sa personnalité, son œuvre chimique : Claude Viel, Pierre- Joseph Macquer, membre de l’Académie des Sciences, professeur de chimie au Jardin du Roi et de pharmacie à la Faculté de Médecine de Paris. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 79ᵉ année, n°288, 1991. pp. 106-107. Par Julien Pierre.
– Revue d’Histoire de la Pharmacie « Après la mort de Macquer » par Georges Kersaint.
-« Les lieux d’activité du chimiste Pierre-Joseph Macquer (1718-1784) : laboratoires et instruments » par Christine Lehman, dans Revue d’histoire des sciences mis en ligne sur Cairn.info.
-Manufacture de Sèvres-musée de la céramique.
-Journal « Vivre à Limoges » N°134. Histoire du Kaolin.
Monique MAZOYER