Au musée de Péronne

Au musée de Péronne

En cette belle matinée du 15 octobre 2011 nous étions plus de quarante participants. Ce nombre plus important que d’habitude était il dû au beau temps d’arrière saison, à la citée picarde ou à son exceptionnel musée de la guerre 1914/1918 ? C’était sans doute les trois réunis, un sondage fait dans le car n’a pas permis d’établir exactement un ordre prioritaire dans cette triple proposition.
A notre arrivée nous fûmes accueillis par une charmante conférencière, responsable de l’Office de Tourisme qui nous fit visiter le Péronne médiéval. C’était d’autant plus difficile à évoquer que les traces en sont modestes étant donné que les trois guerres (1870-1914/18 et 1939 /45) ont durement frappé cette porte des Flandres, point de passage important sur la Somme en direction de Paris. C’est, bien entendu, devant les restes de l’ancien château, qu’elle a commencé à nous conter l’histoire de Péronne. Sa situation sur la rivière en a fait un lieu vite fréquenté par les moines irlandais, suivant le chemin du pèlerinage de Cantorbery à Rome et s’y arrêtant pour créer des monastères.
Elle fut aussi fréquentée par les Vikings ravis de trouver une citée prospère à piller en bordure de rivière. Alors, pour défendre la ville, Herbert Ier, comte du Vermandois, construit une première fortification en pierre, dont on voit encore des traces. Son fils, Herbert II, accuse le roi des Francs, Charles III, dit Charles le Simple, de l’assassinat de son père. Il l’attire dans une réunion de médiation, fin de l’été 923, à Péronne. Le souverain tombe dans le guet-apens, il est prisonnier et reste enfermé dans ce premier château fort où il y mourra captif en 929.
En 1190, Philippe II, roi de France, dit Philippe Auguste partit en croisade avec Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre. Le comte de Flandre y trouve la mort, le roi de France écourte son séjour et rentre brusquement en France. En effet, le comte laisse sa très importante succession territoriale, elle est vacante, le roi ne peut laisser passer l’occasion d’agrandir son royaume. Après une longue tractation, les possessions du Comte sont partagées de la façon suivante : Baudoin, Comte de Hainaut, reçoit le comté des Flandres, contre paiement ; Eléonore de Vermandois reçoit le Valois et le Vermandois en viager (ils doivent revenir au roi de France à sa mort). Philippe Auguste, quant à lui, reçoit l’Artois et la ville de Péronne. En 1209, il dote Péronne d’une charte communale qui lui donne une certaine autonomie. Parallèlement, il y construit un nouveau château fort.

Notre conférencière, respectant le thème de sa visite sur le Péronne médiéval a clos son exposé à l’emprisonnement de Louis XI au château. Evènement majeur de Péronne. En effet, le roi allié aux habitants de Liège, doit les soutenir dans leur querelle avec le duc de Bourgogne. Il cherche alors à composer avec Charles le Téméraire et offre à ce dernier une rencontre à Péronne. Il s’y rend, avec une très faible escorte, malgré les avis pessimistes de ses capitaines. Il a confiance en son vassal ! Malheureusement, à son arrivée il veut loger au château qui est en pleine ville pour être garanti de toute surprise de la part des habitants. Il s’y enferme lui-même ! On apprend alors que les liégeois, marris du peut d’empressement du roi de France à leur venir en aide, se révoltent d’une façon sanglante et attaquent les possessions bourguignonnes. Rage du duc qui s’en prend au « traître roi venu pour le tromper sous un faux semblant de paix ». Il fait immédiatement fermé le château et parle de tuer le roi. Louis n’en mène pas large. Cependant, sûr de lui, il entraîne le duc dans une négociation et sauve sa vie, au détriment des liégeois qu’il abandonne. Plus, il accepte d’aider Charles le Téméraire à les écraser ! Cette détention n’a durée que quelques jours mais elle fut cuisante pour le roi de France. Il quitte alors Péronne, penaud, pour accompagner l’armée de son vassal forte de quarante mille hommes…avec sa petite escorte de trois cents hommes !

C’est dommage que fut occulté la suite de l’histoire de Péronne, ses sièges successifs depuis ceux des troupes de Charles Quint en 1536, de décembre 1870 par les prussiens, les invasions de 1914 et 1940, les combats de la somme en juillet 1916 et mars 1918, l’occupation allemande pendant les guerres de 1914 et 1940. Mais c’était une autre histoire à raconter.
Nous nous sommes arrêtés longuement à l’église Saint Jean Baptiste, consacrée en 1525. Elle est de style gothique flamboyant. Elle fut classée monument historique en 1907. Après les bombardements alliés en 1916 et sa destruction systématique par les allemands en 1917, il ne reste, d’origine, qu’une partie de la façade.  Mais l’ensemble a été restauré à l’identique. On y a parlé de Saint Fursy, moine irlandais, l’un de ceux qui vinrent en France. Clovis II, roi des Francs, dont il baptisa le fils, l’autorisa à fonder une abbaye sur une terre de la Neustrie et il choisi Latignacium, c’est-à-dire Lagny-sur-Marne. Ensuite, son ami Archambaud, maire du palais, lui demanda de fonder un monastère à Péronne.
Nous allâmes ensuite visiter les lieux où l’on voyait encore quelques traces des remparts. Notre conférencière avec beaucoup d’aisance évoqua au cours des rues les nombreux couvents qui fleurissaient au moyen-âge. Elle réussi à nous évoquer la vie médiévale à Péronne après de multiples méandres dans des venelles mal pavées …mais bien fréquentées. Deux d’entre elles, particulièrement pentues, sont encore pavées d’une façon originale, en dent de scie : régulièrement une rangée de pavés est plus haute que les autres, sorte d’escalier pour éviter aux charrettes de redescendre toute la pente en cas d’incidents.

         Nous nous rendîmes à Rancourt, au Prieuré, restaurant réputé des environs, qui n’a pas failli à sa renommée.
Nous étions prêts à affronter la deuxième partie du programme, la visite de l’Historial de la grande guerre.

Une autre conférencière, spécialiste du musée, nous accueilli dans ce bâtiment en béton, édifié en 1992 et situé dans la cour de l’ancien château de Péronne, dont deux des tours marquent l’entrée. Elle nous exposa la muséographie adoptée étant donné que la présentation  privilégie les individus, soldats, civils, prisonniers, populations occupées et déplacées d’une façon comparative entre les trois principaux belligérants. Autour d’une petite rotonde centrale qui présente une belle collection d’eaux fortes d’un peintre allemand, sur les visages de la guerre, quatre salles se suivent en traitant l’avant guerre, l’entrée en guerre jusqu’à la bataille de la somme, de 1917 à l’armistice et l’après guerre. Les vitrines se superposent en trois niveaux afin de présenter simultanément la même époque en France, Angleterre et Allemagne. Les uniformes, peu nombreux mais caractéristiques des trois armées, y sont présentés d’une façon saisissante. Allongés au fond d’une fosse, anonymes puisque sans tête figurée, ils sont prêts à être enseveli mais nous restent ainsi présents. Certains veulent y voir des combattants dans des tranchées, mais cette interprétation est beaucoup moins saisissante. A l’occasion d’une exposition temporaire, nous pûmes voir la présentation d’un énorme lance flamme mis au point par un anglais. Dénommé le Dragon de la Somme. Difficilement mobile, puisque enterré en avant de l’ennemi (on y accède par un souterrain), il projette une flamme de cent mètres de long sur soixante mètres de large afin de carboniser la tranchée adverse. On le déplace ensuite.
Un très beau film de vingt minutes, sur la bataille de la Somme en juillet 1916 clôtura la visite guidée. Nous pûmes ensuite, à notre guise, nous attarder soit devant les vitrines soit aux nombreuses bornes présentant des vues cinématographiques de l’époque.

Bien entendu, avant de repartir certains, nombreux, firent un tour par la librairie particulièrement riche en ouvrages sur la grande guerre. Et nous étions de retour à l’heure prévue.